Sur la ferme, j'ai pris la décision dès la première année de faire la plupart de mes semis. Pourquoi ? Comment ? C'est ici qu'on en parle !
Pourquoi ? Pourquoi pas ...
Le temps nécessaire au bon déroulement des semis est important : choisir et acheter les graines, préparer les plaques, préparer le terreau, semer, arroser, surveiller... et enfin repiquer. Rater ses semis, c'est aussi risquer de rater toute sa saison, un stress donc supplémentaire. C'est pourquoi il est recommandé quand on démarre d'avoir un fournisseur de plants.
Mais que voulez-vous ! je suis un peu tête brûlée...
Plaisanteries à part, je vois aussi de nombreux avantages à réaliser ses semis soi-même.
Le premier avantage à faire ses semis, c'est le choix des variétés. Il est plus important quand on peut choisir directement ses graines chez un semencier. Attention toutefois à ne pas partir dans tous les sens, les catalogues regorgent de variétés que l'on voudrait tester ! Comme je dois réussir à me tirer un salaire de mes ventes, je restreint mes choix. Je m'autorise une variété originale, tout en gardant des classiques. Si je souhaite tester une variété ce sera sur quelques plants, pas à échelle productive la première année. Mais chez vous, dans votre jardin, ou sur votre balcon, libre à vous d'expérimenter des nouvelles variétés colorées !
J'achète une partie de mes plants tout de même :
- Les bulbilles d'oignons, les échalotes, les caïeux d'ail et les pommes de terre
- Les aromatiques issues de boutures ou difficiles : thym, sauge, romarin, persil...
- Les plants nécessitant un chauffage durant leur croissance : tomates en tous genres, poivrons, aubergines, piments, patate douces
Matériel technique
Je réalise la plupart de mes semis dans des plaques alvéolées. Les plaques permettent déjà une première sélection des graines : on ne replante que ce qui a germé. Ensuite elles permettent une grande densité de semis.
Ces plaques sont en plastique.
*cri d'effroi du lecteur*
ALORS.
J'ai testé les alvéoles en carton/biodégradables. Le principe est chouette : garanti sans plastique. Seulement, c'est à usage unique. Et il faut de l'énergie pour les fabriquer, les transporter, les livrer ...
Prenons l'exemple d'une assiette : il vaut mieux avoir sa propre assiette, la laver et la réutiliser plutôt que de prendre à chaque fois une assiette en carton. Certes, votre assiette n'est pas forcément en plastique, toute illustration a ses limites ...
Je pars du principe que si je garde au moins les plaques dix ans, sachant qu'une plaque fait plusieurs cultures sur une année, au final l'énergie dépensée pour la fabrication d'une plaque est "rentabilisée" comparé à d'autres solutions. Bien sûr, il sera intéressant de faire des calculs plus poussés pour avoir les chiffres exacts.
Autre élément à prendre en compte : je suis une professionnelle qui cherche une certaine rentabilité, une grande praticité et efficacité de mes outils. Les cônes de carton-pâte qu'on peut trouver dans les jardineries sont très bien pour un usage domestique, ponctuel. Mais ils ne sont pas transportables tels quels une fois arrosés régulièrement, avec le plant à l'intérieur. Je peux prendre une plaque alvéolée blanche par main pour les déplacer, alors que celles biodégradables se déchireraient. Je n'ai pas le temps de les placer sur des plateaux (qui seraient certainement en plastique, un comble !) pour les déplacer, ce qui arrive régulièrement.
Il existe des plaques alvéolées en plastique noir, pratiques à ranger car s'emboitant les unes dans les autres. Ces plaques plus souples, bien moins chères, mais ont une durée de vie moindre. Je préfère donc investir dans des plaques bien solides qui dureront plus longtemps. Quand on doit utiliser du plastique, autant l'utiliser au mieux.
Parenthèse plastique
Je souhaitais mettre en place une ferme fonctionnant quasi sans pétrole, donc idéalement sans plastique. Soyons clairs : aujourd'hui il est difficile de s'en passer. La pelleteuse ayant terrassé le terrain pour les serre fonctionnait au pétrole. Les serres sont en plastique. Mais une serre en verre n'était pas autorisée (terrain classé Naturel : pas de construction possible) et de toute façon aurait coûté dans les 40 fois plus cher que les 6 000€ pour mes deux petites serres installées en deux semaines !
Pareil pour les bâches : sans tracteur ni produits, difficile de gérer l'enherbement uniquement à la main les premières années. Les bâches sont un outils essentiel du maraîchage sur sol vivant. Ici utilisées pour "casser" la prairie elles seront réemployées dans le cycle de culture pour plusieurs années. Le bilan de l'impact environnemental de la ferme reste donc minime comparé à une agriculture plus conventionnelle.
J'ai donc acheté ces plaques chez Spid Trays, avec trois tailles différentes : 150 cellules (pour les oignons, mescluns et petits plants), 96 cellules (pour les salades, choux, ...) et 50 cellules (pour les courges, courgettes, concombres). Avoir différentes tailles me permet de ne pas avoir à rempoter régulièrement les plants.
Terreau et matières organiques
Je n'ai pas encore acheté de terreau à semis. Au Châtelard, j'ai d'abord trouvé un énorme tas de feuilles mortes datant de plusieurs années, décomposées en un magnifique terreau. Le taux de levée (c'est-à-dire le nombre de graines germant correctement dans la plaque par rapport au nombre total de graines semées) était supérieur à 90% : un vrai succès pour un terreau improvisé!
Mais le tamisage des feuilles était assez fastidieux, il y avait beaucoup de débris. J'ai donc cherché une alternative. Au bord de ma ferme se trouve la plateforme des forestier, des bûcherons bénévoles qui entretiennent et sécurisent les 36 hectares de bois du domaine du Châtelard. Quand les stères de bois sont retirées, les copeaux restants sont accumulés depuis des années en un tas juste au bord de la prairie où je me trouve. Les écorces et poussières de bois ont donné des mètre cubes d'un terreau noir, qui se dessèche un peu vite mais se tamise très bien !
Je mélange donc aujourd'hui un peu de terreau de feuilles dans une brouette de ce compost de bois, et les résultats sont très satisfaisants ! pas de faim d'azote pour le moment (plantules jaunis qui ne poussent pas).
Processus de semis
Une fois le compost récupéré, je le tamise et en met une première couche dans les plaques. Je passe avec mes doigts (je "pianote") dans les différentes cellules afin de tasser, ce qui fait baisser le niveau du terreau de moitié. Je passe donc une seconde couche de terreau. J'arrose une première fois puis je réalise des trous pour les graines. Pour les très petites graines et semis difficiles, je tamise très finement avant de faire les trous.
A termes, je vais bricoler une plaque en bois adaptée pour chaque taille de plaque alvéolée pour tasser mais aussi dépoter les mottes (une sorte de tapis de fakir).
Je dépose ensuite les graines, le trou dois faire maximum trois fois la graine en profondeur. Le nombre de graines dans chaque alvéole varie selon la variété : une seule pour les choux, les salades, les courgettes, courges, concombres. Deux ou trois pour les oignons, navets et choux raves qui seront vendus jeunes en bottes. Plusieurs pour les fleurs, les mescluns. Trois pour les petits pois à écosser et les mangetout.
Une fois que toutes les graines ont été déposées sur la plaque, je recouvre en tamisant finement, puis j'arrose une seconde fois, à l'aide d'un diffuseur pour les semis délicats, avec l'arrosoir pour le reste.
Direction maintenant la pépinière
Un jour (quand je serai grande) je souhaiterais avoir une troisième serre dédiée aux semis et boutures. Pour le moment j'optimise l'espace en étant dans une serre dédiée aussi aux cultures d'hiver et d'été.
Les semis sont mis à germer sous la serre la plus éloignée des arbres, qui a le plus de soleil. Ils sont déposés sur des tables protégées contre les mulots : tapettes à souris (très efficace !), mais surtout cônes au niveau des pieds des tables pour les empêcher de monter. Ces petites bêtes raffolent tout particulièrement des graines de petits pois gorgées d'eau sur le point de germer...
Je passe arroser tous les jours. La surface ne doit pas sécher, mais il ne faut pas non plus trop arroser sous peine de voir "fondre" ses semis et devoir tout recommencer. Une des tables est équipée d'une bâche pour mettre un fond d'eau et garder une humidité constante, ce sera le cas des autres après quelques séances bricolage.
Une fois que les plantules ont pointé le bout de leurs feuilles, on ne craint plus les mulots alors direction les étagères. De récupération, elles sont ajourées et laissent passer la lumière aux étages inférieurs. Elles me permettent de gagner beaucoup de place dans la serre qui se remplit petit à petit de cultures au sol. Elles sont aussi démontables facilement et légères.
Chaque soir, je protège les tables d'un voile de forçage, du P30 (il s'agit d'un grammage au mètre carré : il existe du P30, du P17, ...).
Attention : une serre n'est pas hors-gel ! Les nuits comme celles où il a fait -7°C cet hiver, on peut perdre certains semis bien qu'ils aient été sous serre. La serre permet de gagner quelques degrés, mais dans mon cas il y faisait -3°C certains matins. Veillez donc à multiplier les protections !
Une histoire de timing et de liberté
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